BNP AM

L'investisseur durable d'un monde qui change

| Article - 5 Min

Internationalisation du renminbi - Les pétro-yuans et le rôle de l'or

Si l’Arabie saoudite décidait de vendre son pétrole à la Chine en renminbis plutôt qu’en dollars américains, les échanges de « pétro-yuans », déjà en cours entre la Chine et la Russie, s’en trouveraient renforcés. L’augmentation du nombre d’acteurs choisissant de vendre du pétrole et d’autres produits à la Chine en renminbis pourrait permettre à la devise chinoise d’atteindre progressivement une masse critique au niveau international.   

L’or joue cependant un rôle clé dans les perspectives de développement d’un véritable système de pétro-yuans. Un pétro-yuan adossé à l’or n’a pas besoin d’être totalement convertible pour fonctionner, ce qui permet à la Chine de conserver la maîtrise de son compte de capital et de promouvoir l’internationalisation du renminbi.

Un tel système permettrait au renminbi de devenir progressivement une classe d’actifs indépendante et de stimuler à la fois l’internationalisation du renminbi et les marchés de capitaux chinois. Il pourrait également finir par concurrencer le système mondial de paiements SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), dominé par le dollar.

La dynamique du pétro-yuan

Le président Xi Jinping s’est rendu en Arabie saoudite en décembre dernier à l’occasion du premier sommet Chine-États arabes et du sommet Chine-Conseil de coopération du Golfe. La Chine est le plus gros consommateur d’énergie au monde, tandis que l’Arabie saoudite est le deuxième producteur et le premier exportateur de pétrole au monde.[1] Cette visite d’État est venue renforcer l’initiative lancée par les autorités chinoises en 2018 afin de payer un volume accru de pétrole non plus en dollar américain mais en renminbi.

Dans le sillage des sanctions imposées par les États-Unis en raison de la guerre en Ukraine, la Russie a cherché à accroître son utilisation du renminbi, ce qui a dopé la devise chinoise et les échanges commerciaux sino-russes, déjà florissants (cf. Graphique 1). La Russie a adopté le système chinois de paiement interbancaire transfrontalier CIPS (Cross-Border Interbank Payment System) pour le commerce du pétrole, en lieu et place de SWIFT.

Si l’Arabie saoudite et la Russie poursuivent leur collaboration avec la Chine, le montant des échanges pétroliers libellés en renminbis traités via le système CIPS pourrait augmenter sensiblement. Il faut savoir que le quatrième producteur de pétrole russe, Gazprom Neft, facture toutes ses ventes de pétrole brut à la Chine (un tiers du total) en renminbi depuis 2015. De même, la Chine s’acquitte déjà de ses achats de pétrole à des pays comme l’Iran, le Venezuela et l’Indonésie en renminbi.

Le volume de ces échanges et la possibilité d’utiliser le renminbi pour les paiements internationaux pourraient encore augmenter si un nombre accru de pays cherchaient à s’affranchir du risque lié au dollar américain. A terme, cette tendance pourrait faire vaciller le système financier mondial reposant sur le dollar américain, car le statut de monnaie de réserve mondiale du billet vert dépend essentiellement de son omniprésence sur les marchés de l’énergie et des matières premières.[2]

L’importance grandissante du renminbi

Selon certains spécialistes des marchés, puisque le renminbi se substitue progressivement au dollar comme monnaie d’échange pour l’achat de pétrole, ce sont près de 600 à 1 000 milliards de dollars de transactions mensuelles qui pourraient s’affranchir de la devise américaine.[3]

Les données de SWIFT montrent que le renminbi était la cinquième devise de paiement mondiale (2,37 % du total) la plus utilisée en novembre 2022 (dernières données disponibles). Même s’il ne représente encore qu’une fraction des paiements en USD et en EUR (cf. Graphique 2), sa proportion n’était que de 2 % il y a deux ans.

Avec environ 100 000 milliards de dollars d’instructions de paiement transitant chaque mois par SWIFT, la part du renminbi s’élèverait actuellement à environ 2 370 milliards de dollars. Si l’on ajoute à ce montant les 600 à 1 000 milliards de dollars échangés sur des produits pétroliers susceptibles d’être réglés en renminbi, sa part dans les paiements mondiaux pourrait atteindre au bas mot 3 % dans le système SWIFT. Le renminbi deviendrait alors, en lieu et place du yen japonais, la quatrième devise mondiale la plus utilisée.

Le rôle de l’or

Bien sûr, le pétro-yuan ne remplacera pas du jour au lendemain le pétro-dollar et le système de paiement basé sur la devise américaine. Toutefois, la stratégie chinoise consistant à adosser les achats de pétrole à de l’or est déterminante pour la mise en place du système pétro-yuan. En rendant le renminbi convertible en or, la devise chinoise devient par nature un actif investissable pour les détenteurs étrangers de renminbis, ce qui accroît leur confiance et renforce leur demande envers elle.

Si une telle stratégie parvient à convaincre l’Arabie saoudite et la Russie d’adhérer à l’initiative du pétro-yuan, d’autres pays pourraient suivre. Une telle tendance pourrait avoir des répercussions géopolitiques et économiques profondes, car elle modifierait la dynamique du commerce de pétrole et pourrait faire pencher l’équilibre géopolitique vers la Chine. Les pays pourraient échapper aux sanctions économiques imposées dans le cadre du système du dollar américain en recourant au renminbi et au CIPS, ce qui affaiblirait la capacité des États-Unis à surveiller et à influencer le commerce international et les flux de dollars.

Une classe d’actif en renminbi

La Chine met progressivement en place l’infrastructure nécessaire à l’internationalisation du renminbi. Le système du pétro-yuan permettrait à Pékin d’accélérer le processus, tout en conservant la maîtrise totale de son compte de capital.

Avec la mise en place et l’essor du réseau de pétro-yuans, la Chine devrait également accumuler davantage d’or pour pérenniser un renminbi adossé à l’or.

Mais au final, la Chine devra créer d’autres actifs investissables libellés en yuan, en plus de l’or, afin d’inciter les investisseurs utiliser leur devise. L’augmentation de la demande non commerciale de renminbi nécessitera un puissant développement des marchés de capitaux onshore de la Chine, notamment des instruments de couverture du renminbi, afin d’absorber d’importants flux de fonds étrangers.

[1] La Chine est le premier partenaire commercial de l’Arabie saoudite, avec des échanges bilatéraux d’une valeur de 87,3 milliards de dollars en 2021. Les exportations chinoises vers l’Arabie saoudite ont atteint 30,3 milliards de dollars, tandis que les importations chinoises en provenance du Royaume ont totalisé 57 milliards de dollars. L’Arabie saoudite est également le premier fournisseur de pétrole de la Chine, avec 18 % du total des achats de brut de Pékin. Lors des 10 premiers mois de 2022, les importations ont représenté 55,5 milliards de dollars, selon les données des douanes chinoises. Source : Reuters

[2] Cf. « Chi on China: The Renminbi’s Creeping Internationalisation: La fable de la grenouille bouillante », 13 avril 2022(ici) 

[3] Cf. par exemple « “The Petro-yuan: A Momentous Game Changer for the Global Energy Markets, the Global Economy and Sanctions », M. G. Salameh, International Association for Energy Economics, IAEE Energy Forum, 3è trimestre 2018, pp.29-33

Avertissement 

Veuillez noter que les articles peuvent contenir des termes techniques. Pour cette raison, ils peuvent ne pas convenir aux lecteurs qui n'ont pas d'expérience professionnelle en matière d'investissement. Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur à la date de la publication, sont fondées sur les informations disponibles et sont susceptibles de changer sans préavis. Les équipes de gestion de portefeuille peuvent avoir des opinions différentes et prendre des décisions d’investissement différentes pour différents clients. Le présent document ne constitue pas un conseil en investissement. La valeur des investissements et les revenus qu’ils génèrent peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse, et les investisseurs sont susceptibles de ne pas récupérer leur investissement initial. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les investissements sur les marchés émergents ou dans des secteurs spécialisés ou restreints sont susceptibles d'afficher une volatilité supérieure à la moyenne en raison d'un haut degré de concentration, d'incertitudes accrues résultant de la moindre quantité d'informations disponibles, de la moindre liquidité ou d'une plus grande sensibilité aux changements des conditions de marché (conditions sociales, politiques et économiques). Pour cette raison, les services de transactions de portefeuille, de liquidation et de conservation pour le compte de fonds investis sur les marchés émergents peuvent être plus risqués.

Publications liées

Obtenez des informations et des analyses sur des sujets d'actualité auprès de plus de 500 experts en investissement.
BNP AM
Explorez VIEWPOINT aujourd'hui