Au cœur d’un boom déclenché par la pandémie, le secteur des technologies continue d’évoluer à grande vitesse. Pamela Hegarty, gérante principale de notre stratégie dédiée aux technologies disruptives, examine les récentes évolutions et évoque les domaines qui devraient selon elle recéler des opportunités d’investissement.
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Même si les valorisations des actions technologiques ont maintenant plus que doublé par rapport aux point bas atteints au cœur de la pandémie en mars 2020, il existe toujours des opportunités évidentes dans l’ensemble du secteur. La technologie est en effet apparue comme la réponse à de nombreux défis posés par la pandémie.
Certes, les valorisations semblent exagérées dans certains segments, mais dans l’ensemble, ce secteur aux multiples facettes devrait continuer à progresser. Il s’étend en effet de l’informatique dématérialisée (cloud computing) et de l’intelligence artificielle (IA) à la robotique et à l’automatisation, en passant par l’internet des objets.
Par rapport à l’indice S&P500, il convient de noter que le secteur des technologies de l’information se négocie actuellement à 1,26 fois son ratio cours/bénéfice prévisionnel. Ce niveau est supérieur à la médiane à long terme (x1,15), mais reste bien inférieur au sommet d’environ x2,2 atteint pendant la bulle Internet et dans son sillage.
Selon nous, le secteur se distingue par ses anticipations de croissance durable.
Les dépenses allouées aux technologies devraient augmenter de 9 % cette année et de 5 % en 2022 (source : Gartner), celles-ci devant avant tout concerner la cybersécurité, la migration vers le cloud, la collaboration et l’analyse de données. En mettant l’accent sur la 5G, l’accès au haut débit et les énergies alternatives, le programme de dépenses de plusieurs milliards de dollars présenté par l’administration Biden renforce encore les perspectives déjà favorables du secteur.

Le boom des semi-conducteurs – Un super-cycle
Dans le même temps, le segment des semi-conducteurs se trouve au début ou au milieu d’un super-cycle qui pourrait durer au moins trois ans.
Ce super-cycle est porté par les puissants thèmes de croissance durable dont bénéficie la technologie. Les analystes se concentrent actuellement sur les pénuries (de certains types de semi-conducteurs tels que les microcontrôleurs) et sur les problèmes de stocks et de production qu’elles entraînent dans des domaines tels que l’industrie automobile, l’informatique ou les smartphones.
À long terme, cependant, la technologie sous-jacente aux semi-conducteurs est essentielle au cloud computing, à l’IA, à l’automatisation, à la robotique, ainsi qu’à l’internet des objets. Ainsi, ce segment devrait bénéficier d’une forte demande dans tous les marchés finaux (qu’il s’agisse de l’industrie automobile, des secteurs industriels ou des marchés plus traditionnels de l’informatique et des smartphones).
L’augmentation des capacités (comme cela est prévu aux États-Unis et en Europe en vue de réduire la dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers) prendra du temps, et nous sommes donc prudents quant à la possibilité d’une correction de milieu de cycle. Mais selon notre évaluation globale, les perspectives sont favorables pour les fournisseurs d’équipements en semi-conducteurs et de matériaux spécialisés.
L’innovation de la fintech – Cryptos, DeFi et NFT
À l’heure actuelle, l’évolution constante du secteur technologique ne peut être mieux illustrée que par les technologies financières (fintech). Dans ce domaine, la blockchain est probablement la technologie innovante qui évolue le plus rapidement aujourd’hui. Mais les avancées en matière de numérisation, de technologie des paiements et de prévention de la fraude occupent également une place importante.
La blockchain a des applications importantes dans un certain nombre de domaines. Cette technologie de base de données, ou de registre distribué, permet de créer et d’utiliser des crypto-monnaies, mais aussi de la finance décentralisée (DeFi) et des jetons non fongibles (NFT). Ce sont autant de domaines en plein essor qui utilisent des plateformes non traditionnelles, et qui opèrent souvent à l’écart des intermédiaires centraux habituels que sont les bourses réglementées ou les banques et courtiers supervisés.
S’agissant des crypto-monnaies, nous observons une tendance à délaisser les bitcoins. Compte tenu de leur absence d’adossement et de garantie qui ne leur permet de jouer un rôle de réserve de valeur.
On constate une évolution des marchés en faveur de coins plus stables, qui sont adossés à des actifs physiques, et de crypto-monnaies émises par des États (monnaies numériques des banques centrales, ou CBDC). Ces monnaies peuvent être considérées comme des jetons fongibles (un jeton étant interchangeable avec un autre).
Par ailleurs, on assiste à l’émergence de jetons non fongibles (NFT). Il s’agit d’un ensemble de données (code) qui certifie l’unicité et la propriété d’un actif numérique. L’actif sous-jacent peut être une œuvre d’art, un contrat financier ou des articles de collection autour du sport, mais aussi des marchandises circulant dans la chaîne logistique. Compte tenu de ces nombreuses innovations, nous pensons qu’il convient de surveiller les futures évolutions dans ce domaine.
Ce marché en croissance (et faiblement réglementé) a connu une expansion rapide en valeur. Il est ainsi passé de 250 millions de dollars en 2020 à plus de 2 milliards de dollars au premier trimestre 2021.
Il s’agit de domaines passionnants qui sont en mesure de révolutionner l’environnement des acteurs traditionnels, et pas seulement dans les services financiers. Toutefois, la protection des consommateurs et la lutte contre les abus et les utilisations criminelles suscitent également des inquiétudes. Le manque inhérent de surveillance, qui reflète la nature décentralisée de ces produits, peut les exposer au blanchiment d’argent et au financement d’activités illégales.
Les plateformes, les bourses informelles et les places de marché qui souhaitent s’aventurer dans les domaines réglementés risquent de subir l’examen minutieux des autorités de surveillance. Une bourse de crypto-monnaies proposant des prêts ou d’autres types de titres doit ainsi s’attendre à ce que le régulateur financier lance une enquête ou émette même une interdiction d’exercer.
La surveillance et les inquiétudes concernant l’exploitation criminelle de la blockchain pourraient ralentir son développement dans le temps et fragiliser le processus de sélection des gagnants et des perdants.
Réglementation – Un problème plus épineux en Chine qu’aux États-Unis
Nous venons d’assister à un durcissement de la réglementation et de la surveillance dans d’autres champs des technologies tels que les médias sociaux.
Aux États-Unis, Démocrates comme Républicains envisagent de renforcer la réglementation applicable aux technologies, mais chacun pour des raisons différentes. Les Démocrates sont préoccupés par des questions telles que le pouvoir et les abus de marché, ainsi que la protection des consommateurs. Même si de nombreux Républicains partagent ces préoccupations, ils s’inquiètent également du parti pris libéral des grandes plateformes de médias sociaux.
Nous suivrons avec grand intérêt l’évolution des différents projets de loi destinés à être introduits dans le droit américain. Il est à ce stade difficile de se prononcer sur leur issue probable. Nous ne pouvons pas non plus estimer avec précision le temps que pourrait prendre le processus législatif. À court terme cependant, aucune évolution majeure ne devrait être observée.
De façon encore plus marquée, nous avons assisté à un renforcement de la supervision dans de nombreux secteurs en Chine, notamment le commerce électronique (apps), les paiements numériques et les jeux. Ces initiatives ont pesé sur les marchés au cours des dernières semaines. Nous anticipons des durcissements supplémentaires de la réglementation, par exemple pour les sociétés Internet.
Les autorités chinoises ont fait part de leurs préoccupations concernant la sécurité des données, la sécurité nationale et l’accès pour le plus grand nombre. Mais elles cherchent dans le même temps à garantir la prospérité de la société en s’attaquant à l’écart de richesse et à ce qui est considéré comme des excès, par exemple dans les secteurs du covoiturage, de la livraison de nourriture et de l’enseignement privé.
Nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues des équipes chargées des actions chinoises et des actions des marchés émergents afin d’en évaluer les implications pour nos investissements.
En fin de compte, nous pensons que Pékin veillera à maintenir l’équilibre entre innovation et réglementation. Mais en attendant, nos équipes envisagent de progressivement privilégier des secteurs moins « surveillés », tels que les services informatiques et les semi-conducteurs. Ce problème paraît plus épineux pour le marché chinois que les changements potentiels de réglementation aux États-Unis.
Plus généralement, ces évolutions soulignent la nécessité de suivre de près ce secteur très dynamique et essentiel, et de gérer activement l’ensemble des positions, tout en gardant à l’esprit leur potentiel à long terme.
